The world is for the public good, such is the Great Way. Confucius Two dangers constantly threaten the world: order and disorder. Paul Valéry Henceforth, our country should be the universe. Flora Tristan Do what is right. Rosa Parks *

Dossiers and Documents : Discussion Papers : THE UN AND WORLD GOVERNANCE

THE UN AND WORLD GOVERNANCE

La primauté de l’État
La souveraineté
Une vision étroite de la sécurité
Géopolitique

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THE UN AND WORLD GOVERNANCE

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postface

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Arnaud Blin, Gustavo Marin ¤ 7 January 2009 ¤
Translations: English . Español .

La primauté de l’État

Depuis la disparition, au 17e siècle, du système impérial qui dominait l’espace eurasiatique depuis des millénaires, l’État, l’État moderne, est la pièce maîtresse du système international. C’est lui qui a le monopole de la violence organisée et c’est à travers lui que se meut l’individu, chacun d’entre nous étant doté d’une « nationalité », celle-ci définissant nos droits, nos privilèges et notre statut dans le monde. L’État omnipotent et légitime (démocratique) est le seul apte à « gérer » non seulement ses propres affaires mais aussi celles qui concernent la collectivité régionale, continentale et mondiale. L’État est l’élément qui fait obstacle à l’anarchie d’un système ne possédant pas de gouvernement supranational. Pour faire face à l’ « état de nature » du système, l’État est celui qui, à travers ses représentants, signe les traités de paix et définit les règles du jeu international. C’est lui encore qui s’invite à signer un contrat social qui le lie aux autres États à travers la Charte de l’ONU.

Depuis 1648, l’État fut considéré comme le seul habilité à s’occuper des grands problèmes de ce monde. Compétent (en 1648 avec les accords de Westphalie) ou incompétent (en 1919 avec ceux de Versailles) il fut toujours à peu près apte à régler ces problèmes. Aujourd’hui, alors que s’est complètement métamorphosé la dynamique du monde, l’État fait preuve de certaines déficiences à régler toute une série de problèmes qui dépassent ses compétences ou sa volonté. Or, c’est bien là que réside le blocage du monde contemporain. L’environnement, l’énergie, la santé, l’eau, la finance, les marchés commerciaux, la pêche, le terrorisme constituent autant de problèmes complexes, avec d’autres encore, qui dépassent le cadre étroit de l’État. En un mot, l’État, les États, y compris lorsqu’ils sont liés par contrat, sont aujourd’hui incapables de par leur nature même – ils sont réglés pour suivre l’intérêt national et non collectif – à adresser, et même à identifier, les problèmes du moment. Les États, tout simplement, ne peuvent assurer la gestion collective de la planète. Au mieux peuvent-ils résoudre ensemble quelques crises ici et là, sur l’humeur du moment. En aucun cas ne semblent-ils en mesure de véritablement s’investir dans un effort collectif où beaucoup pensent avoir des choses à perdre. Or, si l’ONU existe en tant que telle grâce aux États qui la constituent, elle est aujourd’hui prisonnière de son carcan étatique. Est-elle capable de transcender son état premier? Rien ne porte à le croire. Au mieux peut-elle définir un agenda, comme du reste elle l’a fait en identifiant les grands chantiers du 21e siècle. Mais de là à passer à l’acte, il y a un fossé qu’elle ne saura franchir, malgré toutes les réformes possibles et imaginables. Comment dépasser ce stade ? Comment briser ce carcan étatique ? Et quelles propositions pour un monde « post-étatique » ? Ces questions sont au cœur de la gouvernance mondiale. Car, d’une part, il est urgent que d’autres acteurs entrent en scène – et certains y sont déjà. Ensuite, il faut organiser la participation de ces nouveaux participants. En d’autres termes, il faut aussi instaurer un système de contrôle de ces acteurs – la crise financière nous en fait un cruel rappel. Or, le régime traditionnel des relations internationales se caractérise bien entendu par l’absence d’un véritable système de contrôle, l’ONU ne constituant en aucun cas un tel système et les États n’ayant évidemment que faire de normes qui limiteraient leurs capacités d’action.

La souveraineté

Le principe de souveraineté est lié à celui de l’État moderne. Il date de la même époque, le 17e siècle. C’est pour répondre aux guerres de religions qui ravagèrent l’Europe que fut instauré le principe du « cujus regio, ejus religio » : la religion du prince est la religion de la nation. Afin d’éviter les conflits dévastateurs, il fut décidé au même moment (toujours à travers les traités de Westphalie) qu’aucun pays ne devait s’ingérer dans les affaires d’un autre État (pour soutenir des coreligionnaires par exemple). Ce principe a gouverné les relations internationales depuis lors – exception faîte des conquêtes extra-européennes jusqu’au 20e siècle – et il est inscrit dans la Charte de l’ONU. On peut critiquer à juste titre cette vision eurocentriste, mais c’est bien l’eurocentrisme qui guida la mise en place des normes internationales modernes à une époque où l’Europe était au sommet de sa puissance alors que les pays et civilisations qui avaient dominé l’échiquier géopolitique jusqu’au 16e/17e siècle se trouvaient brusquement, pour diverses raisons, en retrait au même moment. Il reste que l’influence des civilisations non-européennes sur ces normes n’est pas négligeable, les échanges interculturels dans ce domaine étant plus importants qu’on a généralement voulu le croire.

L’incompétence de certains gouvernements et leurs abus de pouvoir, la faiblesse et l’incurie de certains appareils étatiques, les luttes de pouvoirs, les vieux ressentiments entre populations provoquent depuis quelques années des catastrophes humanitaires de grande ampleur qui pourraient être évitées si la collectivité internationale pouvait peser intelligemment sur les affaires de certains pays dont les gouvernants sont incapables de gérer des problèmes d’une gravité extrême ou, pire encore, sont eux-mêmes directement responsables de ces catastrophes.

Étant donné que, aujourd’hui contrairement à hier, les sources de conflits et d’instabilité, proviennent de l’intérieur des pays et que les crises humanitaires qui en découlent peuvent faire des millions de victimes, il est impératif que la communauté internationale puisse intervenir, au moins pour sauver les populations de la mort. Quelle communauté internationale ? Au-delà de l’opinion publique internationale, une telle communauté n’existe en réalité que dans les esprits et c’est bien pour cela qu’elle ne réagit pas. Pour qu’elle le fasse, il faut donc s’ingénier à la créer. Comment ? Du moins au départ, par l’identification des acteurs susceptibles d’avoir un impact, par une prise conscience que les problèmes nécessitent des actions concertées entre ces acteurs, par l’organisation effective de telles actions. L’ONU a un rôle à jouer dans ce domaine, tout comme la société civile. Mais la création d’une véritable « communauté internationale » nécessitera des efforts durables et soutenus pour une partie qui est loin d’être gagnée, les règles de la politique internationale ayant jusqu’alors porté l’égoïsme à son paroxysme, égoïsme dont il sera difficile de se défaire.

Pourquoi ne pas, aussi, instaurer des conditions d’interventions systématiques lors de guerres civiles, voire lorsque l’État abuse de son pouvoir pour écraser ses populations (cas du Zimbabwe par exemple) ? Le sujet est évidemment brûlant et difficile à instaurer lorsque l’on sait combien les situations politiques des pays en proie à ces difficultés sont compliquées. Néanmoins, l’idée d’un devoir d’ingérence n’est pas apparue par hasard au cours des dernières années. Si au 17e siècle le respect absolu de la souveraineté nationale constituait un grand progrès pour les droits de l’homme, c’est aujourd’hui l’inverse. Il est grand temps de mettre ce principe sur le tapis, comme certains on pu le faire, à l’instar de Bernard Kouchner naguère, plutôt que de rester figé dans des habitudes qui, aujourd’hui, engendrent une attitude passéiste, voire criminelle, face aux catastrophes humanitaires causées par l’homme, voire par les éléments naturels. Dans ce domaine, l’action de l’ONU est ambiguë puisque d’une part, elle défend un principe inscrit dans sa Charte et que d’autre part, elle s’affiche comme le premier rempart contre les abus en matière de droits de l’homme. Pour agir, il faudra donc contourner l’ONU ou remettre certains de ses principes en question, à commencer par celui du respect absolu de la souveraineté nationale. Dans cette perspective, le rôle des membres du Conseil de sécurité n’est pas négligeable. Or, ils ne bougeront qu’avec la pression de l’opinion publique. Ici, des campagnes bien orchestrées pourraient produire des effets sensibles.

Une vision étroite de la sécurité

L’ONU a beaucoup fait ces dernières années pour élargir la notion de sécurité vers une conception de la « sécurité humaine » qui ne concerne plus uniquement la sécurité purement physique mais englobe la sécurité contre la faim et le froid, la maladie et la pauvreté. Mais l’ONU fut établie lorsque le concept de sécurité était compris de manière étroite et restrictive. En conséquence, les structures de l’ONU, sa Charte et ses mécanismes furent édifiés selon cette vision de la sécurité qui était celle de 1945, logique après deux guerres mondiales. Le décalage entre le discours des dirigeants de l’ONU et la réalité pratique est donc, sur ce plan aussi, important. En termes de mise en œuvre, l’ONU n’a tout simplement pas les moyens de ses ambitions. La raison tient d’abord à un manque de volonté de la part des pays membres. La sécurité dans son sens classique est facile à appréhender et elle touche le court terme. La sécurité humaine est une notion plus complexe, mal connue, qui s’inscrit surtout dans le long terme. Or, on sait que la politique est principalement concernée par le court terme. C’est un défaut de la politique en générale mais surtout, il faut bien l’avouer, de la démocratie. Dans ce domaine, encore, on ne peut pas attendre grand-chose des États.

L’ONU en tant qu’institution (principalement le Secrétariat général) démontre ici, en mettant en avant cette nouvelle conception de la sécurité, qu’elle est un pilier de la réflexion sur la nouvelle gouvernance mondiale. En tant qu’organe au service des États Membres, en revanche, elle s’avère souvent incapable de mettre en œuvre ses propres idées. Deux solutions sont donc à envisager : soit l’ONU accepte ses limites et reconcentre ses activités, par exemple dans le domaine général de la réflexion, des idées et des échanges, soit elle met en œuvre les moyens de réaliser ce qu’elle prône, ce qui, nous l’avons dit, relève de la volonté des États. À prôner des actions qu’elle est incapable d’accomplir, l’ONU perd sur les deux tableaux, l’impact que peuvent avoir ses recommandations étant plombé par son incapacité inhérente à la mise en œuvre.

Géopolitique

L’ONU fut créée dans un environnement qui privilégiait la « géopolitique », en somme les rapports purement politiques que pouvaient entretenir les pays entre eux dans les domaines classiques des relations internationales. Les aspects géoéconomiques et géo-environnementaux furent soit minimisés soit totalement écartés. On voit aujourd’hui que toutes ces dimensions sont importantes en soi mais aussi qu’elles sont liées les unes avec les autres. Or l’ONU fut construite surtout comme un édifice géopolitique. Les diverses crises économiques, environnementales et autres qui commencent à secouer la planète démontrent que l’ONU, dans ces domaines, est bien mal armée pour intervenir d’une manière ou d’une autre pour régler les crises, sans parler de les prévenir. Là encore, la structure onusienne est construite d’une telle manière qu’elle est difficile à transformer en profondeur, les réformes possibles ne pouvant être que minimes, en tous les cas insuffisantes pour que les Nations Unies puissent peser réellement dans ces domaines. Que faire alors ? Se contenter de réformes minimales, qui, c’est vrai, valent mieux que rien du tout? Si la maison est défectueuse et qu’elle ne peut être refaite de fond en comble, peut-être vaudrait-il mieux en construire une (ou plusieurs) autre(s), quitte à garder la première mais avec des fonctions moins ambitieuses.

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