(Publié à la Tribune de Genève, le 22 Nov 2016)
Tout compte fait, il n’est pas très étonnant que la Colombie ne trouve pas la paix, tant attendue et voulue par tous, surtout des jeunes générations.
Durant le premier siècle de son indépendance (1810), la Colombie a vécu l’horreur de neuf guerres civiles et une quinzaine de conflits violents. A deux rares exceptions près (1863 et 1885), tous furent « résolus » par la violence. L’objectif des belligérants était d’écraser militairement l’adversaire et le marginaliser socialement et politiquement. Les soldats (des gens du peuple) s’entre-tuaient sans trop savoir pourquoi, les richesses du pays changeaient de main au gré des conflits.
Le XXe siècle ne fut pas plus reluisant. La haine politique et religieuse a encore continué à mettre le pays à feu et à sang : des centaines de milliers de morts, des millions de déplacés et des dizaines de milliers de disparus, le monde rural de plus en plus appauvri par les inégalités, l’accaparement des terres, la corruption et la répression. Dans les années 60 naissent les mouvements populaires armés (guérillas paysannes), qui ne voyaient le changement qu’à travers la lutte armée.
Craignant la « contagion du communisme » dans le pays et guidés par les Etats-Unis, les pouvoirs successifs se sont lancés pendant des décennies dans une guerre aveugle contre la guérilla et la société civile porteuse de véritables valeurs démocratiques. On a voulu « pacifier » le pays par la militarisation : « Plan Colombia », « Loi de justice et paix », « Sécurité démocratique », des projets censés pacifier et développer. Ils ont tous loupé leur cible, car emplis de haine et de répression.
Dans un contexte pourri par une « guerre sale » contre l’insurrection et l’opposition politique et sociale du début des années 80 surgissent les groupes paramilitaires, escadrons de la mort qui agissent avec la complicité démontrée des forces armées régulières et la police. La paix s’éloigne !
Le mérite revient au président J. M. Santos d’avoir réussi, le premier, à négocier un véritable accord de paix. Avant lui, seul le président Belisario Betancur (1982-1986) échoua de peu, par manque de volonté politique et militaire.
« A moins que ne resurgissent de nouveaux blocages provenant de la droite dure, du même acabit que celle du XIXe siècle »
L’accord conclu par les FARC et le gouvernement colombien le 24 août 2016, remanié et resigné le 12 novembre, constitue un très bon point de départ pour pacifier la Colombie… à moins que ne resurgissent de nouveaux blocages provenant de la droite dure, conservatrice et intransigeante, du même acabit que celle du XIXe siècle !
Seule la mise en oeuvre de cet accord nous dira si, enfin, nous allons entrer dans une ère nouvelle de réconciliation, pardon, justice, développement et paix durables.