Par Eric Toussaint
La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) sont-ils tenus de respecter les obligations énoncées dans la Charte des Nations Unies, y compris l'obligation de respecter les droits de l'Homme ? S'il est exact qu'en tant qu'institutions spécialisées de l'ONU, ils sont fonctionnellement indépendants, il leur appartient cependant de respecter les droits de l'Homme et le droit coutumier en général. En règle générale, il va de soi qu'aucune organisation internationale qui prétend agir en tant que sujet du droit international et qui prétend avoir une personnalité juridique internationale ne peut sérieusement argumenter qu'elle est exemptée de respecter les obligations internationales, notamment les règles de protection des droits de l'Homme.
Cet article trace l'histoire de ces deux institutions depuis leur origine au sein du système de Nations Unies. Il décrit leurs relations, leurs fonctions et leur rapport d'obligation face au droit international et aux droits de l'Homme. Il plaide en faveur de porter la Banque mondiale en justice dans chaque pays, en réponse à sa politique de prêts en préjudice à des centaines de millions de citoyens.
Le FMI et la Banque mondiale ne sont pas tenus de prendre en compte le respect des droits de l'Homme, or, d'un point de vue historique et contrairement à ce qu'ils affirment, ce sont des institutions spécialisées des Nations Unies, et en tant qu'institutions spécialisées, elles sont liées par la Charte des Nations Unies. Le système onusien est basé sur la coopération internationale, et notamment sur la coopération économique et sociale internationale.
Selon l'article 57 paragraphe 1 de la Charte des Nations Unies, les diverses institutions spécialisées créées par accords intergouvernementaux et pourvues, aux termes de leurs statuts, d'attributions internationales étendues dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de la santé publique et autres domaines connexes, sont reliées à l'ONU à travers son Conseil économique et social (CES, mieux connu sous l'abréviation anglaise ECOSOC).
Ces institutions financières sont donc tenues de respecter les droits de l'Homme dans l'élaboration et la mise en oeuvre de leurs politiques : aucun sujet de droit international ne peut se soustraire à ces obligations en invoquant l'absence de mandat explicite ou l'argument de la « non politisation », ou encore moins une interprétation restrictive des droits économiques, sociaux et culturels comme étant des éléments moins contraignants que les droits civils et politiques.
La Banque mondiale, comme le FMI, s'appuie sur ce postulat pour se dédouaner de toute responsabilité en termes de non respect des droits sociaux économiques et culturels. Pourtant, les droits civils et politiques sont indissociables des droits sociaux économiques et culturels.
Depuis que la Banque mondiale octroie des prêts, une très grande quantité d'entre eux a servi à mener des politiques qui ont porté préjudice à des centaines de millions de citoyens. Par ailleurs, la Banque mondiale est venue en aide en de très nombreuses occasions à des régimes dictatoriaux, responsables avérés de crimes contre l'humanité. La banque a octroyé aussi des prêts aux métropoles coloniales pour l'exploitation des ressources naturelles des pays qu'elles dominaient jusqu'aux années 1960 et qui se sont ajoutés ensuite à la dette extérieure des États dès leur indépendance.
Source: CADTM
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