Par Arnaud Blin
On ne peut pas concevoir la possibilité d’un contrat social mondial si on n’arrive pas à dépasser la notion de protection individuelle, pour passer à la notion de la protection de tous. Autrement dit, c’est notre liberté mondiale, c’est à dire notre liberté de pouvoir jouir et donc, protéger ce qui nous est commun à tous, en tant que communauté mondiale, qui nous encouragera à nous soustraire à ce qui est en passe de devenir une guerre mondiale contre notre planète, contre nos « communs » et contre nous-mêmes.
Mais qu’implique ce « tous » ? Même si on parle beaucoup de culture ou de civilisation universelle ou « pluriverselle », de destin commun, de principes étiques mondiaux qui pourraient unir l’humanité, ces concepts notables, n’ont pas, du moins pas encore, passé l’épreuve des forces obscures du nationalisme, de l’avarice et du ressentiment qui semblent l’emporter malgré les grands discours qui les remettent en question ou les dénoncent. Pour lutter avec détermination, obstination et efficacité contre ces forces, il faut quelque chose de plus concret et de plus palpable que des principes souvent perçus comme aliénables et dotés de peu de moyens pour les faire appliquer. Dans ce contexte, le concept de biens communs ou simplement de « communs » est une notion concrète qui pourrait servir de lien nécessaire entre les êtres humains.
Le concept de « communs » n’est pas seulement physique (dans certains cas même « numérique »), mais plutôt une nouvelle forme de nous considérer et de considérer les autres, notre environnement, et notre relation avec lui. À travers la notion de « communs » et de « communisation », on transforme radicalement l’équation traditionnelle de la liberté et de la propriété en réaffirmant la liberté au niveau mondial, et non pas seulement à l’échelle individuelle, en retirant de cette notion son lien traditionnel avec la propriété privée. Un tel investissement, qui équivaudrait à un contrat mondial et volontaire, représente un potentiel avec de profondes conséquences à long terme, puisqu’il modifie notre engagement et notre adhésion sociale à ce qui était exclusivement un contrat « national », dont la majorité d’entre nous héritons, à l’exception de ceux qui changent ou adoptent de multiples nationalités. Ainsi, à notre identité traditionnelle comme individus et citoyens nationaux (en termes strictement juridiques, puisque tous, nous nous identifions également à des communautés autres que nationales), il faut ajouter une nouvelle dimension, une formule de citoyenneté mondiale.