Par René Passet
Comme les civilisations, les paradigmes sont mortels. Et la rupture contemporaine, que nous qualifions de « crise », représente en fait la faillite d’un mode de régulation. Nous avons vu l’orthodoxie néoclassique se briser contre la crise de 1929. A partir des années 1970, après trente années de prospérité, l’économie keynésienne qui lui avait succédé – confrontée à la stagflation – révélait, à son tour, ses limites. Aujourd’hui, avec la crise des subprimes, le système néolibéral, victime de ses contradictions internes, se fracasse sur l’une des nombreuses bulles financières qu’il n’a cessé de déclencher lui-même au fil du temps. Il n’a cependant pas fini de nuire, car ainsi que le déclare Thomas Kuhn, « une fois qu’elle a pris rang de paradigme, une théorie scientifique ne sera déclarée sans valeur que si une théorie concurrente est prête à prendre sa place1] ». La relève ne s’annonce pas à l’horizon.
Tout paradigme a pour objet de rendre compte du monde réel dans lequel il se développe. Or, depuis les années trente, les données du jeu économique ont considérablement évolué : avec le développement de l’informationnel, le monde apparaît comme « une unité vécue en temps réel[2] » et de nombreux problèmes, dépassant le cadre des égoïsmes nationaux se posent directement au niveau de la planète ; les limites de la capacité de charge de la biosphère ont été largement franchies ; enfin l’économie, fondée sur une logique de lutte contre la rareté, découvre aujourd’hui les questions du « trop » et de la « mal répartition » l’invitant à repenser les conventions fondatrices sur lesquelles elle s’est édifiée. Dans la mesure où elles ne tiennent aucunement compte de ces transformations, les controverses opposant les tenants des grandes écoles (néoclassique, keynésienne ou néolibérale), inlassablement cantonnées dans les limites strictes de la sphère économique se situent en deçà des vrais enjeux.
C’est au niveau de biosphère qu’il convient de se situer, étant bien entendu que celle-ci ne concerne pas seulement la nature et les espèces animales ou végétales, mais aussi les sociétés humaines.
Le bouleversement qui résulte de ce regard est total, dans la mesure où il remet en cause les modes d’organisation et les critères de gestion des systèmes. L'article expose des nouveaux principes d'organisation et des nouveaux critères de gestion qui nous approchent a ce nouveau paradigme du vivant.
Source: [Collegium International