Le terrorisme est, depuis les attentats de 2001, considéré par une majorité d’observateurs
comme l’une des grandes menaces à la sécurité globale du moment. De nombreux pays
ainsi que l’Organisation des Nations Unies ont fait du terrorisme leur ennemi public
numéro un. Il est indéniable que les grandes tendances géostratégiques de ce début de 21e
siècle ont été déterminées par cette menace, les guerres d’Afghanistan et d’Irak ayant été
engendré par la volonté des États-Unis de répondre aux assauts Al-Qaïda.
Le « court
20e siècle », selon l’expression de l’historien Eric Hobsbawm, s’enflamme sur l’étincelle
d’un attentat terroriste, celui de Sarajevo en 1914. Le 21e siècle lui succède avec autre
attentat retentissant, celui sur les deux tours de Manhattan en ce 11 septembre 2001 de
sinistre mémoire. Au niveau des symboles, on ne pouvait faire plus fort : l’attaque de
Gavrilo Princip sur l’Archiduc d’Autriche concluait une longue série d’attentats sur des
têtes couronnés au sein d’une région aux marches de deux vieux empires en phase
accélérée de décomposition ; celle des pirates de l’air d’Al-Qaeda visait une multitude de
citoyens anonymes vacant à leurs activités au coeur de l’empire financier, politique et
militaire de la première « hyperpuissance » mondiale de l’histoire. La première attaque
déclenchait par une succession d’événements imprévisibles le plus important cataclysme initié par l’homme, soit deux guerres mondiales et avec elles, un génocide ainsi que
l’avènement des sinistres expériences totalitaires, soit au total plusieurs dizaines de
millions de morts. Le second attentat avait un retentissement planétaire immédiat
puisque la triple attaque était vécue en direct par des milliards d’individus grâce aux
moyens modernes de communication. Quatre ans après Sarajevo, la face du monde s’était
complètement métamorphosée, l’Europe ayant perdu l’hégémonie qu’elle exerçait sur le
reste du monde à travers l’action d’une poignée de puissances, à commencer par
l’Angleterre et la France. Les quatre années qui séparent la première élection
(controversée) de Bush (fin 2000) de la seconde en 2004 (sans appel), en revanche, n’ont
absolument rien modifié à l’échiquier géopolitique, en dépit des nombreux commentaires
qui annoncèrent après les attentats de 2001 une rupture total avec le passé, quand ça
n’était pas un choc de civilisation ou, pour le moins, l’effondrement de l’ « empire »
américain.
Paradoxalement, le modeste attentat de Sarajevo avait tout à la fois enflammé le brasier
qui avait consommé le « monde d’hier », comme l’appelait Stefan Zweig, tout en mettant
un terme définitif à la première vague de terrorisme qui avait fortement secouée l’Europe,
la Russie et l’Amérique durant plus d’un demi-siècle. Tout aussi paradoxalement, le
choc du onze septembre, peut-être le premier grand choc psychologique de dimension
planétaire de l’histoire, n’a pratiquement rien changé à la face du monde, du moins sur un
plan géopolitique, tout en démultipliant le nombre d’attentats organisés de par le monde
au nom du jihad et Al-Qaïda. En d’autres termes, on arrive à ce constat paradoxal que
le terrorisme est effectivement devenu l’un des fléaux de ce monde alors même qu’il
démontre les limites extrêmes des effets réels, c'est-à-dire des effets politiques ou même
économiques, qu’il est susceptible de produire et qui, de fait, sont sa raison d’être et, en
quelque sorte aussi, la source de sa légitimité.