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Le déréglement climatique : un défi pour l’humanité

Sous-titre: 
12 propositions juridiques pour la Conférence de Paris sur le climat

Date de création

Jeudi, mars 31, 2016 - 15:30

Le dérèglement climatique est un défi dans les deux sens du terme : chance et risque. Certes le risque est considérable et ne doit pas être ignoré. Mais un tel risque peut néanmoins être une chance pour l’humanité. On peut y voir une occasion exceptionnelle de prendre conscience de notre communauté de destin et de tester notre capacité à changer la direction de la gouvernance mondiale avant qu’il ne soit trop tard.

Ce cahier a vocation à nourrir le débat public, et notamment la réflexion des acteurs mobilisés par et pour la COP 21 de Paris. Il est une version remaniée et abrégée de la quatrième partie de l’ouvrage collectif Prendre la responsabilité au sérieux, publié aux Presses universitaires de France sous la direction d’Alain Supiot et Mireille Delmas-Marty. Voici la liste des propositions ou recommandations :

Proposition n° 1 – Considérer l’adaptation des sociétés au dérèglement climatique comme un objectif commun à l’échelle globale (« global goal ») relevant de la responsabilité de tous les États parties.

Proposition n° 2 – Établir une grille commune pour les contributions nationales fixant le périmètre d’action (atténuation et adaptation), le niveau d’ambition et les démarches méthodologiques de comptage des émissions (calendrier, année de référence, etc.).

Proposition n° 3 – Formuler deux principes pour assurer une différenciation à la fois équitable en raison de la dette « écologique » héritée du passé (principe d’historicisation) et acceptable au regard du contexte national présent de chaque État (principe de contextualisation). Par rapport aux objectifs communs d’anticipation sur l’avenir, ces principes devraient déterminer la marge nationale admise dans les engagements des États.

Proposition n° 4 – Garantir le suivi et le contrôle des engagements de réduction des émissions adoptés volontairement par les entreprises. À cette fin, il faudrait transposer l’institution de « points de contact nationaux » pouvant recevoir les plaintes des acteurs civiques (ONG et syndicats). Et, le cas échéant, élargir au domaine du climat le système des « Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales ».

Proposition n° 5 – Accompagner les incitations économiques de mesures permettant de pénaliser les entreprises ne tenant pas les objectifs de réduction. À cet égard, il faudrait d’une part prévoir des sanctions pécuniaires suffisamment dissuasives. Et d’autre part, adapter les mécanismes d’imputation de la responsabilité à la nature diffuse et transnationale des dommages climatiques.

Proposition n° 6 – Reconnaître l’obligation positive des États de faire respecter par les entreprises les droits fondamentaux des individus et des peuples autochtones pouvant être atteints, directement ou indirectement, par le dérèglement climatiques.

Proposition n° 7 – Soutenir l’initiative du Conseil des droits de l’homme pour réglementer les activités des entreprises transnationales dans le cadre du droit international des droits de l’homme.

Proposition n° 8 – Consacrer une obligation de vigilance des sociétés mères dans toute la chaîne de valeur. Cet objectif pourrait être atteint par l’articulation entre processus d’autorégulation et de régulation, entre soft law et hard law, provenant de différents espaces normatifs (mondial, régional et national). Il suppose également d’aménager l’accès des victimes (individuellement et surtout collectivement) à la justice.

Proposition n° 9 – Intégrer des enjeux sociétaux à l’objet social, voire à l’intérêt social des entreprises. Cet objectif pourrait être atteint à travers des réformes législatives, à l’instar de la réforme envisagée de l’article 1833 du Code civil en France. Cet objectif pourrait également être atteint par le biais d’évolutions jurisprudentielles reconnaissant notamment la fonction sociale de l’entreprise.

Proposition n° 10 – Intégrer dans toutes les composantes du droit de l’OMC, des clauses sociétales qui tiendraient lieu de « passerelles juridiques » entre les disciplines. De telles clauses viendraient consacrer les enjeux sociaux et environnementaux comme des intérêts légitimes protégés par l’OMC.

Proposition n° 11 – Encourager, en matière d’investissement étranger, les États hôtes à invoquer tout manquement aux droits de l’homme devant les tribunaux arbitraux afin de réduire, voire de priver, les investisseurs de leur droit à la protection. Les États devraient aussi renforcer le contrôle exercé par leurs juges étatiques dans le cadre des demandes de reconnaissance et d’exécution des sentences arbitrales sur leur territoire même si une telle proposition va à l’encontre des besoins d’efficacité de l’arbitrage. Il faudrait enfin inciter l’État d’origine, qui a encouragé ses ressortissants à investir à l’étranger, à les poursuivre devant ses propres juges étatiques en cas de violation des droits de l’homme sur le territoire de l’État d’accueil (une telle procédure pourrait en retour servir de moyen de défense pour l’État d’accueil devant le tribunal arbitral).

Proposition n° 12 – Instituer dans les accords commerciaux des mécanismes de surveillance, en partenariat avec la société civile, afin de mieux contrôler leurs effets sur les populations locales, sans pour autant que ces mécanismes viennent remplacer une procédure contentieuse de règlement des différends en matière sociale et environnementale.