Par François Géré
Président de l’Institut Français d’Analyse Stratégique, chargé de mission auprès du directeur de l'Enseignement militaire supérieur et Program Director Global Security, SAFE.
Le nucléaire peut être l’enfer de l’humanité. Il peut aussi lui apporter prospérité et sécurité. C’est affaire de sagesse et de prévoyance dans le cadre d’une bonne gouvernance.
Que signifie la notion de « bonne gouvernance mondiale du nucléaire »?
Tout simplement c’est développer l’industrie électronucléaire dans des conditions telles que la communauté internationale dans son ensemble et chacun de ses membres en particulier puissent vivre sur la planète Terre en sécurité et prospérité. Cela suppose que soient pris en compte l’existence des armes nucléaires et les problèmes posés par les risques de prolifération.
On définit la prolifération comme la tentative d’acquisition d’armes nucléaires par des Etats, éventuellement par des groupes non étatiques de manière plus ou moins clandestine, parfois même pour certains gouvernements en violation d’engagements pris dans le cadre des traités comme celui sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP[[Signé le 1er juillet 1968, entré en vigueur le 5 mars 1970.]]). Nous avons nommé « déprolifération »[[En 1995 nous avons proposé ce terme pour désigner la réduction du nombre des armes détenues par les pays officiellement dotés ainsi que la renonciation à la détention d'armes fabriquées clandestinement (Afrique du Sud) ou l'arrêt de programmes jugés proliférants (Argentine, Brésil).]] la réduction des arsenaux conformément aux engagements pris entre 1968 et 1991 par les cinq puissances nucléaires ayant signé et ratifié le TNP. Ce processus entamé à la fin de la guerre froide s’est accompagné de nombreuses mesures de sécurité et de confiance visant à atténuer les risques d’affrontement. Début 2009, en raison d’un fort engagement américain en vue de réduire le rôle des armes nucléaires, on doit s’attendre à une relance de la dynamique de déprolifération.
Pour l’opinion internationale le nucléaire ce fut d’abord l’éclat spectaculairement dévastateur de deux bombes larguées sur Hiroshima puis Nagasaki à la fin de la Seconde Guerre mondiale. A vrai dire, à l’exception du Japon, l’événement fut perçu comme une horreur de plus par des peuples soumis à cinq années, voire plus dans le cas de la Chine, d’atrocités, notamment les bombardements de terreur. Toutes ces opérations avaient pris pour cible la population civile d’un côté comme de l’autre. Ceci ne doit jamais être oublié.
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Par ailleurs, dans le domaine civil deux accidents de grande dimension ont créé un sentiment négatif à l’égard de l’industrie nucléaire. Three Miles Island, aux États-Unis, mars 1979, et bien plus gravement Tchernobyl, en Ukraine avril 1986. On fait parfois valoir que les accidents qui ont affecté les installations chimiques de Seveso en Italie, de Bhopal, en Inde (3000 morts) et dans une moindre mesure l’usine AZF (France septembre 2001, 30 morts) se sont haussés à un niveau aussi catastrophique. Il n’importe. Les 4000 morts d’Ukraine, (estimation des Nations Unies), et le nombre des personnes plus ou moins affectées par les rayonnements, soit environ 70. 000, ont de quoi effrayer légitimement.